C24 - Le Corps de l'océan

"Le soleil est encore assez haut quand il voit, soulevé par les rouleaux, couvert d’écume, affleurant à peine, ce qui lui semble être un tronc puis un tonneau éventré, ou un magma de branchages, de cageots éclatés, de bouts de filets, de toile en lambeaux. Ne voulant pas ralentir sa foulée, il continue jusqu’à la grande dune qui lui sert de borne et fait demi-tour. Il respire à fond, fait quelques mouvements des bras, des étirements, se déchausse pour marcher dans l’eau. Le froid lui fait accélérer le pas. Il a faim, soif, envie de lire, d’écrire, tout ce qu’il n’a pas le temps d’apprécier en période de travail, à cause du rythme de l’hôpital, visites, consultations, réunions de service, gardes, repas expédiés devant les infos et trois pages d’un roman qui s’effiloche, repris en diagonale, finalement abandonné pour un film sur lequel il glisse jusqu’au sommeil habité par Myriam, les yeux de Myriam, le souffle de Myriam, sa peau, son dernier visage, son absence. [...]"